PROCEDES A ULTRASONS. CAVITATIONResponsable : Olivier LouisnardPersonnes impliquées : F. Espitalier |
La cavitation acoustique décrit l'apparition d'une population de bulles de gaz sous l'influence d'une onde acoustique. Sous certaines conditions, certaines bulles implosent, engendrant des températures et pressions très élevées dans la bulle, des chocs sphériques divergents dans son voisinage proche, et des jets liquides au voisinage des parois solides. Ces conditions extrêmes sont responsables d'un grand nombre d'effets physico-chimiques : réactions chimiques accélérées ou inusuelles, émulsification, désagglomération, érosion, cristallisation/précipitation...
A l'échelle du laboratoire, les effets positifs voire drastiques des ultrasons ont été souvent reportés. Cependant, l'extension des systèmes ultrasonores à l'échelle industrielle reste limitée car une expérience de cavitation met en jeu des milliards de bulles dont la distribution de taille et la concentration varie d'un point à un autre du réacteur. La population de bulles s'auto-organise dans le volume du liquide selon des phénomènes complexes et sa répartition est couplée avec celle de l'onde acoustique, dont la répartition dans le réacteur est elle même inconnue. Les méthodes de mesure tant du champ acoustique que de la taille des bulles restent limitées et par ailleurs, les modèles existants sont souvent semi-empiriques et difficilement extrapolables. De plus la présence d'une grande quantité de bulles ne permet pas d'appréhender les phénomènes microscopiques mis en jeu. Seuls des effets macroscopiques sont observables.
On voit donc deux approches parallèles: développer des outils de prédiction du champ acoustique et de la population de bulles; diminuer la complexité expérimentale pour étudier les phénomènes microscopiques. Notre appréhension du problème se situe sur ces deux plans.
Les deux grandeurs inconnues dans un système cavitant sont d'une part le champ de pression acoustique, et d'autre part la taille des bulles de cavitation, ou plus précisément, la fonction de distribution de taille, et son évolution spatio-temporelle. Ces informations sont fondamentales car
Les évolutions de ces grandeurs ne sont pas indépendantes puisque la l'atténuation et la célérité du son dans le milieu dépendent fortement de la distribution de taille de bulles, et réciproquement la population de bulles évolue par croissance/dissolution, migration sous l'influence des forces de Bjerknes, coalescence et fragmentation. Mathématiquement, le problème peut donc être décrit par une équation de propagation en milieu diphasique couplée à une équation de bilan de population.
Cette approche complète se heurte à deux problèmes: 1- L'écriture des différents termes de l'équation de bilan de population doivent reposer sur des bases physiques solides, tâche délicate pour certains d'entre eux. En particulier le phénomène de fragmentation, qui intervient sur des échelles de temps très courtes est peu accessible à l'expérimentation, et une modélisation fine du phénomène n'existe pas à ce jour. Par ailleurs plus les deux équations de propagation et de bilan de population sont fortement couplées et leur résolution brute dans une géométrie donnée est illusoire.
Une première approche consiste à se fixer une population de taille de bulles et à étudier la modification de l'onde traversant ce milieu diphasique. La thèse d'Olivier LOUISNARD a montré que les effets non-linéaires prédisaient une distorsion notable de l'onde ainsi qu'un amortissement sous-estimé par la théorie linéaire.
Inversement, on peut se fixer une pression acoustique locale, et étudier l'évolution correspondante de la distribution de taille de bulles. En particulier, nous avons montré que les fragments issus de bulles en implosion, trop petits pour croître par diffusion rectifiée pouvaient régénérer des bulles de taille supérieure par coalescence avant de se dissoudre. L'objectif à terme de ce type d'approche est l'obtention d'un outil de prédiction fournissant une relation univoque entre pression acoustique locale et distribution de taille de bulles.
Cette thématique est issue de l'observation fortuite d'un phénomène étonnant : lorsqu'un mélange "binaire" (par exemple eau+K2SO4, eau + SodiumDodecylSulfate, eau + méthanol) est soumis à des ultrasons de puissance conjuqués avec un bullage (soufflage d'air dans un milieu poreux ou exploitation d'instabilités de surface produites directement par la sonde), la solution prend un aspect laiteux en quelques secondes.
Curieusement, a la fin de l'insonification, la solution conserve cet aspect laiteux sur un intervalle de temps de l'ordre d'une minute, et disparaît progressivement en formant un front de concentration.
t = 0 s | t = 10 s | t = 20 s | t = 30 s | t = 40 s | t = 50 s |
t = 60 s | t = 70 s | t = 80 s | t = 90 s | t = 100 s | t = 110 s |
Nous postulons que ce trouble correspond à un grand nombre de bulles de cavitation créées par fragmentation des bulles macroscopiques introduites dans la solution. Leur rémanence pendant une ou plusieurs minutes pourrait être expliquée par l'adsorption (favorisée par les oscillations) d'une espèce aux interfaces, qui stabilise les bulles vis-à-vis la dissolution. Pour le méthanol et le SDS, cela est plausible du fait qu'ils sont tous deux tensioactifs. Pour les sels (K2SO4 ou NaCl entre autres), l'explication doit être affinée, et pourrait provenir de l'adsorption d'un espèce ionique. La disparition du trouble sous forme de front pourrait provenir d'une simple ségrégation spatiale des bulles de différentes tailles à cause de leurs vitesses ascentionnelles différentes.
Nous pensons que l'étude de ce phénomène est importante non seulement à cause de son caractère singulier, mais aussi parce que l'adsorption rectifiée d'espèce ioniques au voisinage des bulles pourrait jouer un rôle important dans les phénomènes de cristallisation.